dans Sud Ouest du 16 mai:http://www.sudouest.com/160507/reg_gers.asp?Article=160507aP433103.xmlSUDOUEST.COM / Accueil / Gers
SOCIÉTÉ. --L'intérêt croissant de la justice gersoise pour l'eau et la nature envoie nombre d'agriculteurs en correctionnelle
Du terroir au prétoire:Gwenaël Badets
Pas un jeudi au tribunal correctionnel ou presque, sans qu'un agriculteur doive s'expliquer à la barre pour atteintes à l'environnement. Au palais de justice d'Auch, ce défilé d'exploitants a pris une ampleur nouvelle depuis que le parquet a fait de ce type d'infractions une de ses priorités l'année passée.
Au c?ur de la plupart de ces affaires, on retrouve l'eau. Soit qu'on reproche aux prévenus de l'avoir prélevée abusivement. Soit qu'ils aient souillé des ruisseaux en y déversant du lisier de canard, ou des effluents agricoles. Jeudi dernier, deux exploitants étaient cités dans des dossiers de ce type. Le premier pour avoir installé une retenue collinaire sans autorisation à Beaucaire : 1 500 euros d'amende. Le second pour avoir détourné le lit d'un cours d'eau à Segos : 2 000 euros dont 1 000 avec sursis. Et une inscription de la condamnation au casier judiciaire à la clé pour les deux.
Jeu à cinq. Si les scénarios de ces dossiers agricoles sont variés, le casting est immuable, avec cinq acteurs incontournables : un paysan contrevenant qui ne comprend pas toujours ce qu'il fait là ; un parquet de plus en plus chatouilleux sur la nature ; l'administration (Direction départementale de l'agriculture?) ; les associations environnementales (lire par ailleurs) ; et le président Bressy, bouillant dès qu'il est question d'eau.
« J'ai parfois l'impression que les Gersois sont rétifs à l'administration. On fait les travaux d'abord, et on voit ensuite pour régulariser », lançait le magistrat à l'adresse d'un prévenu la semaine dernière. De fait, les prévenus, coincés entre la justice, l'administration et la force de l'habitude, confessent souvent qu'ils n'avaient pas conscience de commettre une infraction : « Je ne sais plus sur quel pied danser », expliquait l'agriculteur condamné pour une retenue d'eau. La Chambre d'agriculture lui avait d'abord expliqué que « l'écoulement » où il comptait installer une retenue était un simple « fossé ». Une simple déclaration suffisait. Jusqu'à ce que l'écoulement soit requalifié en « ruisseau » par la DDA, ce qui rendait une autorisation préfectorale nécessaire pour le barrage. Lancé dans ses travaux, l'exploitant n'a pas cru bon de faire marche arrière. Mal lui en a pris.